Sommaire 

  1. Actualités PMS
  2. Parutions PMS
  3. Communiqués de presse et prises de position
  4. Informations diverses
  5. Commentaires de jurisprudence

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1.  Actualités PMS

Covid-19

L’épidémie de coronavirus aura pendant deux mois bousculé tous nos repères. La population a réagi aux décisions des autorités avec civisme et un beau sens de la responsabilité. Quoi que l’on pense des mesures prises, il faut, hélas, prévoir qu’elles entraîneront (selon les meilleures sources) des coûts importants sur la santé mentale pendant des mois et même des années. Et bien des personnes (concernées ou non par les troubles psychiques) nous font part que le déconfinement est à bien des égards plus compliqué pour elles que le confinement.

Une crise comme celle que nous avons vécue comporte, bien sûr, des éléments difficile à vivre qui s’accompagnent aussi (et heureusement) de certains points positifs auxquels nous n’avions peut-être pas pensé : baisse de la pollution et du stress « habituels »; temps pour être chez soi, seul ou avec ses proches avec l’opportunité de s’engager ou reprendre des activités (lecture, créativité, ménage et rangement) pour lesquelles il n’est pas forcément facile de trouver du temps habituellement.

L’équipe de PMS Romandie est restée active pendant toutes ces semaines : Mmes Hatam et Zinder ont assuré sans discontinuité nos services de conseil téléphonique, avec bien sûr une demande psychosociale forte quant à l’anxiété que beaucoup ont ressenti.

Nous avons continué à publier des informations relatives à la santé mentale pendant la crise sur les réseaux sociaux, à recencer les différentes hotlines actives en Suisse romande sur notre site internet et à préparer (au ralenti certes) nos prochaines publications.

L’équipe du Collège de rétablissement a, quant à elle, avancé dans ses réflexions pour proposer prochainement un nouveau programme, et créer un certain nombre de contenus en ligne.

Le 13 mai, lors de la septante-troisième édition de l'Assemblée mondiale de la Santé, António Guterres, le Secrétaire général de l'ONU a dit qu'il attendait des gouvernements des "engagements ambitieux" en matière de santé mentale.

Nous partageons ici la note de synthèse (disponible en anglais) mettant en garde nos collectivités afin qu'elles ne passent pas à côté des suites qu'il est nécessaire d'anticiper sans tarder : stress, dépression et troubles psychiques comme conséquences de l'épidémie et des mesures prises. 

 

Fondation suisse Pro Mente Sana

La Fondation suisse Pro Mente Sana, active en Suisse alémanique, et le département Santé de la Haute école spécialisée bernoise (HESB) ont lancé pendant la période de semi-confinement la plateforme inCLOUsiv pour le dialogue et les questions urgentes autour de la santé psychique durant la pandémie de coronavirus.

Cette plateforme a permis de développer les capacités de conseil de la Fondation  pour faire face à la forte demande. En effet, le semi-confinement et les incertitudes liées au contexte ont été, et sont, particulièrement diffciles à supporter pour les persones souffrant de problèmes psychiques et d'anxiété.

 

Collège de rétablissement

Avec le début de la reprise post-confinement, le Collège de rétablissement reprend ses activités ! En attendant les cours d’été en présentiel, l'équipe du Collège de rétablissement a décidé de vous proposer une formation courte en ligne, avec un premier essai pilote :

"La sophrologie au service du rétablissement - Accueillir son sommeil"

Si vous avez (parfois) un sommeil agité ou des difficultés à vous endormir, par exemple, et que cela perturbe votre santé mentale, faites donc un cours avec l'équipe!

Elisabeth Sturm, paire praticienne en santé mentale, et Nathalie Riesen, sophrologue, vous invitent au premier cours en ligne du Collège de rétablissement, où vous vous pencherez ensemble sur le lien entre sommeil et santé mentale et ferez des exercices de sophrologie qui vous donneront quelques clés pour parvenir à un sommeil plus paisible.

 

Quoi ?

"La sophrologie au service du rétablissement - Accueillir son sommeil"

Où ?

Le cours aura lieu en direct sur la plateforme Zoom, sur invitation

Quand ?

Jeudi 28 mai 2020 de 10h à 11h (ouverture de l'espace en ligne à 9h30 pour accompagner sur Zoom les néophytes qui le souhaiteraient)

Infos pratiques : inscription par courriel à info@recoverycollege.ch. Vous recevrez ensuite toutes les informations nécessaires pour vous connecter au cours.

Vous ne vous sentez pas très à l'aise avec les outils en ligne et la participation à des cours à distance mais vous êtes tout de même intéressé.e ? N'hésitez pas à le dire également par courriel. L'équipe vous enverra un document qui précise le contenu du cours et comment participer à une réunion sur Zoom et vous pourrez décider ensuite si vous souhaitez vous inscrire ou non.

L'équipe a hâte de vous lire et de vous (re-)voir, pour l'instant, par écrans interposés !

2. Parutions PMS

A paraître prochainement :

Obligation de soins et maladies psychiques - Petit guide juridique à l'usage des patients en Suisse romandede Mme Shirin Hatam juriste chez Pro Mente Sana, et avec une préface de Mme Christel Gumy Dr. historienne des sciences et de la santé.

Edition révisée et mise à jour de la brochure parue en 2010.

3.  Communiqués de presse et prise de position

L’hôpital et la sécurité, une absurde inversion des valeurs

La Commission nationale pour la prévention de la torture (ci-après CNPT) a effectué une visite à l’hôpital psychiatrique de Cery en avril 2018.

A cette occasion elle a reproché au canton de Vaud d’avoir recours à des agents de sécurité privée habilités à faire usage de la contrainte physique (spray au poivre, bâton tactique, menottes métalliques), soulignant que cette méthode n’était pas conforme aux standards internationaux.

Loin de faire amende honorable le Conseil d’État a répliqué en août 2019 que le recours à des agents de sécurité répondait à plusieurs objectifs dont celui de garantir la sécurité des équipes infirmières à 70% féminines ainsi que celle des autres patients ; au surplus le coût de la sécurité privée était inférieur à celui d’un collaborateur. Mais pas un traître mot sur de possibles mesures alternatives, pourtant saluées par la CNPT à la clinique psychiatrique de Mendrisio au Tessin une année auparavant : prise en charge intensive lors des situations de crise, examen à intervalle régulier, mesures de désescalade, présence sur place de la fondation Pro Mente Sana à laquelle les patients peuvent s’adresser à tout moment.

On s’effraie de constater que l’hôpital de Cery se voit comme un employeur soucieux de garantir la sécurité de ses collaboratrices avant de se reconnaître comme un lieu de soin dont la vocation est de recevoir des personnes en détresse aigue et d’offrir l’hospitalité à des souffrances paroxystiques qui ne s’expriment pas toujours avec retenue, politesse et déférence.  Porter atteinte aux droits fondamentaux des patients pour leur dispenser des soins doit être perçu comme la marque d’un échec qu’il est honteux de justifier par le genre et le coût des collaborateurs-trices. Quoi qu’il en soit, si l’hôpital psychiatrique doit accomplir sa mission à coup de sprays en poivre pour protéger son personnel, ne devrait-il pas cesser d’être considéré comme une « institution appropriée » à porter assistance à des personnes souffrant de troubles psychiques au sens de l’article 426 du code civil ?

Peut-être est-il temps de reprendre une réflexion de fond sur l’aptitude des hôpitaux psychiatriques à accueillir des souffrances humaines aussi désarçonnantes qu’impartageables …

Shirin Hatam
Juriste, titulaire du brevet d’avocat

4.  Informations diverses

Commission nationale pour la prévention de la torture (CNPT) et Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)

La Commission nationale pour la prévention de la torture (CNPT) visite régulièrement les hôpitaux psychiatriques et émet des rapports et des recommandations, que l’on trouve sur son site.

Dans sa déclaration du 20 mars 2020, le Comité européen pour la prévention de la tortures et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT) a rappellé à tous les acteurs le caractère absolu de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants. Il a également invité les autorités compétentes à réévaluer la nécessité de poursuivre le placement non volontaire des patients psychiatriques.

 

Expertises AI - Centre de déclaration pour les victimes d’expertises arbitraires d'Inclusion Handicap

Les expertises médicales ont un rôle majeur à jouer dans l'évaluation du droit aux prestations de l'AI; leur bonne qualité est donc essentielle. C'est pourquoi il est de la plus haute importance que ces expertises soient établies par des spécialistes indépendants. La qualité des expertises devrait en outre être régulièrement vérifiée. Or, force est de constater qu'un bon niveau qualitatif n'est bien souvent pas garanti. Des rapports sont copiés, leur contenu est tendancieux ou les standards médicaux ne sont pas respectés. 

Inclusion Handicap a donc mis en ligne le 28 février un Centre de déclaration en matière d'expertises AI afin de les évaluer qualitativement.

 

Deux politiques du handicap et des contradictions

Dans cet article, Emilie Rosenstien, maître-assistante au Département de Sociologie, Université de Genève, revient sur l'histoire récente des politiques du handicap et met en lumière les évolutions paradoxales qui y sont liées. 

D'un côté, on assiste au développement de politiques visant à promouvoir l'inclusion des personnes en situation de handicap et leur participation au sens large reposant sur la reconnaissance et l’institutionnalisation de revendications émanant le plus souvent de la société civile, dans une perspective bottom up. Paradoxalement, de l'autre côté, on voir apparaître le paradigme de l'activation, implémenté selon une logique top down et guidé par un impératif économique qui fait de l’insertion professionnelle et de la participation sur le marché du travail un objectif prioritaire des politiques du handicap et une injonction pour leurs usagers.

Emilie Rosenstein, «Deux politiques du handicap et des contradictions», REISO, Revue d'information sociale, mis en ligne le 17 février 2020, https://www.reiso.org/document/5612 

 

Collège de rétablissement

Retrouvez l'article de notre secrétaire général, Jean-Dominique Michel, paru dans le numéro d'avril de la revue Dépendances de GREA sur le Collège de rétablissement!

 

Baromètre sur l'impact de la pandémie de Covid-19 sur les patient-e-s et les proches

Le Réseau Santé Région Lausanne (RSRL) s’engage en faveur du partenariat avec les patient-e-s, les proches et le public. A ce titre, il a participé en automne 2019 à Nice à la fondation de l’Alliance sans frontières pour le partenariat qui a mis en place en ce moment un baromètre sur l’impact de la pandémie de Covid-19 sur les patient-e-s et les proches.

Après un premier coup de sonde à fin avril (dont vous trouverez les résultats ici), le RSRL vous encourage à participer au 2esondage jusqu’au 28 mai grâce au lien suivant : https://framaforms.org/impact-de-la-pandemie-covid-19-sur-vos-soins-en-debut-de-deconfinement-1589464741 

 

Programme "Connexionx familialex" pour les proches de personnes présentant un trouble borderline ou des troubles de la régulation des émotions

 

Le Service de psychiatrie générale du CHUV organise un groupe pour les proches de personnes présentant un trouble de la personnalité borderline afin qu'elles et ils acquièrent des connaissances sur ce trouble et qu'ils puissent comprendre les comportements qui y sont liés.

L'objectif du groupe est de permettre aux proches de mieux gérer les difficultés relationnelles liées à la personne souffrant d'un trouble borderline et améliorer leur propre bien-être.

Un groupe de gestion des émotions destiné aux personnes présentant une difficulté à réguler leurs émotions et désirant rendre plus efficace leur gestion est également organisé.

5.  Commentaires de jurisprudence

Droit pénal 

  • Droit à un défenseur d’office pour une personne souffrant d’un trouble bipolaire

Résumé
Le 28 avril 2019, Sieur A a été condamné par ordonnance pénale pour avoir, le 27 avril 2019, commis plusieurs infractions au code de la route, refusé d’obtempérer lors de son interpellation, cassé une vitre et tordu le cadre d’une portière de voiture de police, blessé et insulté des gendarmes, cassé le téléphone portable de l’un d’eux et refusé de se soumettre à une prise de sang. Le 6 mai 2019 il a fait opposition à cette ordonnance pénale et demandé que Maitre B soit désigné défenseur d’office. Sa demande a été rejetée in fine par la chambre pénale de recours (ci-après la chambre) au motif que l’assistance d’un défenseur n’était pas justifiée, la cause ne présentant pas de difficultés particulières juridiques ou factuelles. La chambre relevait que Sieur A n’avait eu qu’un seul épisode maniaque, qu’il n’avait jamais eu de contact avec la psychiatrie auparavant ni n’avait été hospitalisé en raison du diagnostic de trouble bipolaire.

Sieur A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison, considérant que les conditions d’une défense obligatoire sont effectivement réunies ; il accorde l’assistance judiciaire et désigne Maître B en tant que défenseur d’office.

Le TF commence par rappeler que l’article 130 let. c CPP* prévoit une défense obligatoire lorsque le prévenu ne peut pas défendre ses intérêts en raison de son état psychique. Selon la jurisprudence, la capacité de procéder doit être examinée d’office dès qu’il existe des indices de limitation d’une telle capacité. Au vu du but de protection visé par le cas de défense obligatoire, la direction de la procédure doit désigner un défenseur d’office en cas de doute ou lorsqu’une expertise constate l’irresponsabilité. En revanche, le fait d’être sous curatelle ou de suivre une thérapie pour personnes dépendantes à l’alcool ou aux stupéfiants ne suffit pas à démontrer une incapacité psychique à procéder.
En l’espèce, un rapport d’intervention psychiatrique d’urgence du 29 avril 2019 établissait que l’épisode maniaque diagnostiqué durait depuis sept jours et que les faits qui avaient donné lieu à l’ordonnance pénale avaient été commis au cours de cet épisode. De plus, il ressortait du dossier dont disposait la chambre que Sieur A était retourné aux urgences le 2 mai 2019 en raison d’idées délirantes, qu’il y avait tenu un discours logorrhéique et avait développé des idées de grandeur et de persécution. Bien que Sieur A ne se soit pas prévalu de ces faits devant la chambre, ils ressortaient du dossier de sorte que celle-ci aurait dû en tenir compte d’office. De plus, la survenance d’un nouvel épisode maniaque lié au stress de la procédure pénale n’était pas exclue compte tenu de l’anamnèse et du diagnostic.

Pour démontrer que Sieur A avait la capacité de se défendre seul, les autorités cantonales se prévalaient du fait qu’il avait pu rédiger une opposition détaillée à l’ordonnance pénale, bien qu’il fût hospitalisé. Cet argument n’a pas porté dans la mesure où les écritures de Sieur A ne faisaient pas le lien entre son trouble et les actes qui lui étaient reprochés, ce qui plaidait en faveur de l’assistance d’un défenseur.

* Code de procédure pénale suisse RS 312.0

Commentaire
Saluons cette juste prise en compte du trouble bipolaire dans la capacité de se défendre au pénal et déplorons qu’il faille aller jusqu’au TF pour faire constater l’évidence.

Référence
1B_493/2019 du 20 décembre 2019

 

Prestations complémentaires

  • Droit à une aide financière transitoire pour une propriétaire immobilière à l’AI

Résumé
Dame A, titulaire d’une rente AI, est propriétaire en main commune* avec ses sœurs d’un immeuble comprenant trois appartements ; un droit d’habitation avait été constitué au profit des parents jusqu’à leur décès en 2016. C’est alors que les prestations complémentaires de Dame A furent supprimées au motif qu’il fallait tenir compte de la valeur de l’immeuble. En effet, la fortune de Dame A était désormais supérieure aux normes (820’000 CHF), et l’immeuble lui procurait un revenu estimé à 36’900 CHF du fait qu’il ne lui servait pas d’habitation. Or, Dame A faisait valoir qu’elle ne parvenait ni à obliger ses sœurs à vendre, ni à obtenir leur accord pour occuper l’un des appartements de sorte que sa fortune lui était inaccessible. Dans cette situation elle se retrouvait sans aucun moyen de subsistance, dans l’incapacité de s’alimenter, payer le loyer, l’assurance maladie et ses frais de santé, ce qui violait son droit à obtenir une aide dans une situation de détresse, un droit pourtant garanti par l’article 12 de la Constitution fédérale (ci-après Cst).

Au terme d’un recours de droit public, le Tribunal fédéral (ci-après TF) a estimé que Dame A devait avoir droit à des prestations d’aide sociale ordinaire dans l’attente de la liquidation de la succession et a renvoyé l’affaire au Service des prestations complémentaires pour qu’il effectue le calcul.

Le TF commence par rappeler que l’article 12 Cst. ne garantit que la couverture des besoins élémentaires pour survivre comme la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. Le droit cantonal à l’aide sociale est plus complet et ressort de la compétence des cantons. A Genève, la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (ci- après LIASI) prévoit qu’exceptionnellement une aide financière remboursable peut être accordée aux propriétaires pour autant qu’ils habitent leur immeuble. Cette aide avait été refusée à Dame A, car elle n’habitait pas l’immeuble dont elle était propriétaire. Le canton estimait également que Dame A n’avait pas droit à l’aide exceptionnelle prévue par la LIASI pour ceux qui attendent la liquidation d’une succession, du fait qu’elle ne pouvait pas être préalablement qualifiée de bénéficiaire de l’aide sociale.

Le TF juge qu’en l’absence de ressources immédiatement disponibles ou réalisables à court terme, l’intéressée doit être considérée comme étant dans le besoin et que l’État doit lui accorder une aide à titre transitoire. En cas de succession non partagée, l’autorité compétente doit, après avoir fixé un délai pour ouvrir une action en partage, accorder une aide transitoire sous forme d’avances remboursables. Ce droit existe pour Dame A, même si elle ne peut pas être préalablement qualifiée de bénéficiaire de l’aide sociale du fait qu’elle dépasse les limites de fortune donnant droit à des prestations financière générales. Dès lors, en conditionnant le droit à une aide transitoire à la possibilité d’être qualifié de bénéficiaire des prestations de la LIASI, le canton de Genève a vidé cette loi de toute portée, ce qui est insoutenable.

* Cela signifie que chaque propriétaire communiste ne peut exercer son droit qu’en vertu d’une décision unanime (art. 653 al. 2 CC)

Commentaire
La paupérisation qui touche la population suisse un peu plus intensément chaque année accroit cette catégorie nouvelle et surprenante des propriétaires indigents. Une application mécanique et inintelligente des dispositions d’aide sociale a conduit le canton de Genève à refuser absurdement l’aide à une personne n’ayant que 752 CHF pour vivre avec deux enfants ! Il était donc sain que le TF reconnaisse un des nouveaux visages de la pauvreté.

Référence
8C_444/2019 du 6 février 2020 (publication prévue aux ATF)
Le communiqué de presse du Tribunal fédéral

 

Aide sociale

  • Droit à une audience publique pour développer ses arguments

Résumé
Sieur A, qui recevait des indemnités journalières de l’assurance accident, a bénéficié en même temps de prestations de l’aide sociale tessinoise dont il a contesté le calcul : il estimait que les montant perçus de l’assurance accident ne devaient pas être déduits de l’aide sociale. Puisque les modalités de réduction des prestations d’aide sociale en cas de versement concomitant d’une autre indemnité ne ressortaient pas explicitement de la loi mais étaient le fruit d’une pratique administrative, Sieur A voulait avoir l’occasion d’expliquer son point de vue en audience publique. Cela lui a été refusé. Il s’est adressé au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui a donné raison.

Le TF rappelle que la publicité des débats est protégée par la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH) et garantit le droit à un procès équitable. C’est à l’autorité de première instance qu’il revient, en premier lieu, de tenir une audience publique, car c’est elle qui dispose d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit. La demande d’audience doit être explicite sans avoir à être motivée. Toutefois, si la demande est mal formulée et que l’autorité a un doute elle doit interpeller la partie.

Il y a, cependant, des cas dans lesquels l’autorité peut renoncer à convoquer une audience explicitement requise : la demande provient d’une partie quérulente, elle est manifestement abusive ou procède d’une tactique destinée à prolonger délibérément la procédure. Une audience peut aussi être refusée lorsqu’un recours est manifestement mal fondé, lorsque le juge admet les prétentions de la partie qui demande l’audience ou encore si la discussion doit porter sur une matière d’un niveau technique élevé, cette circonstance n’étant que rarement réalisée en matière d’assurance ou d’aide sociale. En l’occurrence, il n’y avait aucune raison de refuser à Sieur A la tenue d’une audience publique qui aurait, au contraire, été utile pour clarifier le mode de calcul de l’aide sociale en cas de versement simultané d’une autre indemnité. Le Tribunal cantonal des assurances n’a ainsi pas tenu compte des exigences de la CEDH. Par conséquent, le TF annule le jugement et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle tienne une audience publique.

Commentaire
Cet arrêt, rappelant le droit de chacun-e à ce que sa cause soit entendue publiquement (art. 6 CEDH), fera chaud au cœur de toutes celles et ceux que l’application mécanique et désincarnée de la loi repousse dans le silence alors qu’ils et elles ont un discours pertinent sur leur réalité.

Référence
8C_63/2019, 8C_65/2019 du 11 juin 2019 (en italien)

 

Assurance invalidité

  • Prestations de l’AI et toxicodépendance : les conditions du droit à la rente se précisent

Résumé
Sieur A est dépendant à la cocaïne, l’alcool et au cannabis. Il travaille dans un établissement bancaire. Suite à un burn out, il dépose une demande auprès de l’Office de l’assurance invalidité (ci-après OAI). Les mesures d’ordre professionnel mises en place par l’OAI sont interrompues sur la base d’un certificat médical d’arrêt de travail. Sieur A est alors soumis à l’expertise du Docteur B qui considère que ses problèmes de comportement, liés à sa dépendance, découlent d’un trouble de la personnalité de type borderline présent depuis l’adolescence ; il estime que la situation n’est cependant pas figée et qu’une reprise du travail dans une activité adaptée est envisageable à condition que l’état clinique soit stabilisé par un traitement de 6 à 12 mois dans un centre spécialisé en traitement des addictions et du trouble de la personnalité. Préférant se référer à l’avis de la doctoresse C du Service médical régional (SMR), l’OAI nie le droit à la rente. Cette position est confirmée par la Cour cantonale au motif que les atteintes à la santé mises en évidence par le Docteur B ne seraient pas invalidantes puisqu’elles n’avaient pas empêché Sieur de A de mener durant 14 ans une carrière professionnelle normale, qu’il refusait de suivre un traitement malgré l’exigibilité médicale d’un sevrage, qu’il avait des loisirs festifs et qu’il n’avait pas exploité toutes les possibilités de réadaptation. Sieur A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui reconnait le droit à une rente entière.

Le TF relève en premier lieu qu’il n’existe pas de motif d’exclusion du droit à la rente comme l’exagération des symptômes ou une simulation de la maladie. Il constate ensuite que le trouble de la personnalité a été suffisamment motivé par l’expert B qui l’a qualifié de grave et qu’il devait ainsi être pris en compte pour évaluer la situation psychique de Sieur A dans son ensemble. Le TF procède alors à l’évaluation du degré de gravité du trouble psychique de Sieur A à l’aide des indicateurs standards découlant de la jurisprudence afin de déterminer dans quelle mesure ce dernier dispose de ressources mobilisables.

  • Gravité de l’atteinte à la santé : déduire d’une capacité de travail durant 14 ans que l’atteinte à la santé ne serait pas grave est arbitraire car cela méconnait la décompensation du trouble à la suite d’événements de vie marquants ; les affections diagnostiquées empêchent Sieur A d’exploiter ses ressources personnelles ainsi que de s’engager dans une alliance thérapeutique ou un travail d’abstinence.
  • Personnalité : la personnalité de Sieur A influence ses capacités de manière négative.
  • Contexte social : l’existence de loisirs festifs depuis l’âge de 16 ans dans le contexte d’une addiction à la cocaïne ne constitue pas un soutien positif ; même si sa nouvelle compagne représente un appui, Sieur A subit les répercussions négatives de son état de santé sur le plan privé puisqu’il doit faire contrôler son abstinence pour exercer son droit de visite sur ses enfants.
  • Cohérence de la gravité de l’atteinte sur divers plans : examinant si les limitations fonctionnelles dont souffre Sieur A se manifestent de la même manière dans sa vie professionnelle et dans sa vie privée, le TF répond par l’affirmative ; la décompensation survenue durant le stage de réadaptation a entraîné une incapacité totale de travail et des dysfonctionnements dans la vie privée de Sieur A qui a dû faire contrôler son abstinence pour voir ses enfants.

Sur la base de cette analyse détaillée, le TF constate que Sieur A est atteint de troubles psychiques présentant un degré de gravité certain et entraînant une incapacité totale de travail. Cependant le TF estime qu’il est raisonnablement exigible de Sieur A  qu’il entreprenne un traitement médical au titre de son obligation de diminuer le dommage et rappelle à l’OAI d’enjoindre Sieur A à se soumettre au traitement recommandé par l’expert B en procédant à une mise en demeure écrite.

Commentaire
Que l’OAI qui s’était livré à une analyse superficielle et culpabilisante de la situation d’un assuré soit ramenée à plus de subtilité et de compréhension profonde des problèmes liés à la toxicodépendance ne chagrinera personne. Que se profile le risque que des assurés soient sanctionnés faute de suivre le traitement qu’un expert a jugé possible devait maintenir notre vigilance en éveil.

Référence
9C_618/2019 du 16 mars 2020

 

Aide sociale

  • Début du droit aux prestations arbitrairement reporté au mois suivant celui de la demande.

Résumé
Du 19 mars au 27 avril 2018 Dame A a effectué un travail pour lequel elle a perçu un salaire de 5’693 CHF grâce auquel elle a payé factures et dépenses courantes des mois de mars et avril. Au début du mois de mai, il ne lui restait plus que 1’500 CHF. C’est pourquoi elle s’est présentée le 18 mai 2018 au centre d’action sociale (ci-après CAS) qui l’a mise au bénéfice de prestations à compter du 1er juin 2018. Lorsqu’elle a demandé à recevoir les prestations « dès la date de son annonce », le CAS a refusé expliquant que, selon les procédures en vigueur, une demande déposée dès le 15 du mois n’ouvrait le droit à l’aide financière pour le mois suivant. Dame A a contesté la date du début du droit à une aide financière. Déboutée par la Cour cantonale elle s’est adressée au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui a constaté une application arbitraire du droit cantonal genevois.

Le TF constate que, selon la loi cantonale sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (ci-après LIASI), le droit aux prestations naît dès que les conditions sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande. Dans le cas de Dame A le CAS avait estimé que le revenu de 5’693 CHF perçu en avril devait lui permettre de vivre durant le mois de mai parce que cette somme la plaçait au-delà des barèmes d’aide sociale. A cet égard le TF relève que, dès lors que le salaire de 5’693 CHF couvrait deux semaines en mars et quatre en avril, les ressources disponibles pour le mois d’avril étaient nécessairement inférieures à 5’693 CHF. Pour ce simple motif le calcul effectué par le CAS et confirmé par la Cour était manifestement erroné. Au surplus, en retenant que l’évaluation du droit aux prestations pour le mois de mai devait tenir compte des ressources du mois d’avril la Cour cantonale avait appliqué de façon arbitraire une LIASI indiquant que ce sont les ressources du mois en cours et non celles du mois précédent qui sont déterminantes pour la fixation du montant d’aide sociale.

Le TF renvoie la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision et met les frais judicaires à la charge de l’Hospice général.

Commentaire
Cet arrêt révèle les mesquines économies faites au détriment des travailleur-euses pauvres, au moyen d’obscures « procédures d’applications » violant la volonté du législateur : elles sont honteuses autant qu’arbitraires, car elles obligent des personnes sans ressources à aller jusqu’au TF pour faire constater des évidences.

Restons sur nos gardes : l’expérience nous enseigne que ce n’est pas parce qu’une pratique est jugée arbitraire par le TF que l’autorité qui l’applique y renonce.

Références
8C_31/2020 du 26 mars 2020